Marion Croisé, conseillère numérique à Angers nous parle aujourd’hui de la semaine « Sans écrans »  sur laquelle elle est intervenue.

"Notre but était notamment de relativiser et d'apporter des éléments aux parents et grands-parents pour mieux comprendre les usages numériques de leurs enfants et petits-enfants. "

LA PARENTALITÉ NUMÉRIQUE C'EST QUOI ?

La parentalité numérique, terme que l’on peut entendre de plus en plus, c’est le fait de pouvoir accompagner son enfant dans son apprentissage et son éducation des outils et usages numériques.

En France, en 2023, 96% des enfants possèdent ou utilisent au moins un équipement numérique et seulement 12 % des parents se déclarent à l’aise avec ce sujet (source : Ipsos – Janvier 2023 – « Parentalité numérique »). Les journées et actions organisées par les professionnelles de l’accompagnement numérique et/ou sociale semblent donc importante pour permettre aux familles de s’approprier les notions et les bonnes pratiques  nécessaire à l’apprentissage et à la sensibilisation de leurs enfants.

 

Bonjour Marion, est-ce que tu pourrais te présenter ?

Je suis Marion Croisé, conseillère numérique France Services de 5 maisons de quartier de la Fédération des Centres Sociaux : l‘IlM au Lac de Maine, l’Archipel dans La Doutre, Angers Centre Animation, le Quart’ney et le Centre Jacques Tati à Belle Beille.

J’effectue des ateliers collectifs sur l’utilisation des outils numériques (tablettes, smartphones et ordinateurs), destinés à des publics variés, allant des jeunes à la population sénior. De plus, je propose également des permanences individuelles.

Si tu devais donner une définition de ton poste de conseillère numérique, quels seraient selon toi, les quelques mots clefs importants ?

Le poste de conseiller numérique est un poste de médiateur numérique dont l’objectif est de favoriser l’autonomisation des habitants lors de temps collectifs et individuels.

Le médiateur numérique n’a pas pour objectifs de faire à la place des autres, mais plutôt de les accompagner dans l’utilisation des technologies numériques. En résumé, il s’agit de les aider à maîtriser les usages et fonctionnalités du numérique.

De quoi vas tu nous parler aujourd’hui ?

Je vais vous parler de la Semaine Sans Écrans qui a duré deux semaines. Elle a été jalonnée par deux temps forts, organisés à l’école Aldo Ferraro et à la crèche Le Chat Perché de Belle-Beille, situées à proximité du Centre Jacques Tati.

 Le titre « Semaine Sans Écrans » peut paraître inquiétant, mais c’est avant tout un titre accrocheur. Le but n’était pas de diaboliser les écrans, mais de trouver des solutions pour mieux les utiliser et identifier les activités possibles à faire sans les utiliser.

Qu’est ce qui à été mis en place concrètement lors de cet événement et quel a été ton rôle ?

J’ai été convié pour parler de « comment mieux utiliser les écrans ? ». D’autres intervenantes ont assuré d’autres temps de sensibilisation en lien avec cette thématique.

Le secteur famille a notamment organisé plusieurs sorties. Dans le quartier de Belle-Beille, le Terrain d’Aventure propose des constructions de cabanes et divers jeux, encadrés par des animateurs socio-culturels du Centre Jacques Tati.

Moi, en tant que médiatrice numérique, quand je suis intervenue dans l’école et dans la crèche, les parents pouvaient me poser des questions sur l’usage des écrans de leurs enfants, mais aussi sur leur propre usage en tant qu’adultes. Mon but était de leur montrer ce qu’on peut faire avec un écran, comment bien utiliser les réseaux sociaux. On pouvait me poser des questions telles que : « Mon enfant, je l’autorise à utiliser sa tablette tactile une heure par jour, est-ce que c’est long, est-ce que c’est mauvais, est-ce que c’est mal ? ». Mon rôle ici était plutôt de questionner : « Qu’est-ce que fait votre enfant sur sa tablette ? Est-ce que vous en discutez avec lui ? Est-il seul devant son écran ? »

Notre but était notamment de relativiser et d’apporter des éléments aux parents et grands-parents pour mieux comprendre les usages numériques de leurs enfants et petits-enfants.

On a parlé également d’addiction : « Est-ce qu’on est addict aux écrans ? ». Alors moi je suis un peu partisane du discours de Vanessa LALO, psychologue qui travaille cette question des pratiques numériques et notamment sur les jeux vidéo. Souvent on entend dire dans les médias que les jeunes sont addict et moi je me range plutôt du côté de l’avis de Vanessa LALO qui dit qu’on ne peut pas parler d’addiction mais plutôt de pratiques excessives.

Mon discours a été orienté vers la dédramatisation de l’utilisation des écrans et de dire que c’est à nous, en tant qu’utilisateurs, de nous poser les questions de nos pratiques et de leur caractère parfois excessif. On se rend compte qu’il y a beaucoup de parents qui s’inquiètent alors qu’il n’y a pas vraiment de raison d’être anxieux. J’ai fait le test avec un d’entre eux en lui proposant de regarder sur l’application « Bien-être numérique » et de comparer son temps d’écran à celui de son fils. Et c’est là qu’on a pu mettre en évidence que, parfois, en tant qu’adultes, nos pratiques peuvent être beaucoup plus questionnantes.

L’idée était de mettre en parallèle la pratique des parents et des enfants car en tant qu’adultes on s’interroge rarement à ce sujet. Un autre conseil que je donnais aux parents était d’essayer vraiment de parler des usages de leurs enfants avec eux  : « Qu’est-ce que tu as regardé comme vidéo ? Pourquoi aimes-tu un tel ou un tel youtubeur ? »

Toi en tant que conseillère numérique, est ce que tu t’es positionné en facilitatrice des échanges parents-enfants sur cette question des écrans et plus largement du numérique ?

Jai eu loccasion de le faire à lÉcole Aldo Ferraro. Systématiquement, quand je suis amené à faire ce type dintervention, j’invite les personnes à venir en reparler à la maison de quartier. En effet, je suis là, mais il y a aussi les animateurs jeunesse, lanimatrice et la coordinatrice famille, avec qui ces questions peuvent être abordées. LÉcole Aldo Ferraro est vraiment impliquée dans cette sensibilisation depuis plusieurs années. Ils ont notamment créé des grands panneaux avec les enfants qui retrace notamment leurs usages..

Toi en tant que conseillère numérique, est ce que tu t’es positionné en facilitatrice des échanges parents-enfants sur cette question des écrans et plus largement du numérique ?

Je dirais quil y a tout un travail de sensibilisation, de co-construction et d’interconnaissance en amont avec les parents et les enfants : comme je le disais, ça faitjà plusieurs années que lécole Aldo Ferraro travaille sur cette question. Je dirai aussi quil ne faut pas avoir un discours trop moralisateur et être dans un format participatif. Le fait davoir également mobilisé des acteurs qui nont rien à voir avec le numérique était important aussi : cela rajoute une dimension moins technique, qui, parfois, peut faire peur. Jétais en effet la seule actrice du numérique, et, souvent, quand je dis le terme « conseillère numérique », ça ne parle pas vraiment. Donc, jétais là sur le moment, mais les gens ne savaient pas davance que jy serai. Lévénement ne paraissait pas technique, et les gens ne se sont pas dits : « non, ce nest pas fait pour moi. »

Je suppose que tu as rencontré ces problématiques à l'école primaire Aldo FERRARO mais quelles étaient les problématiques rencontrées à la crèche Le Chat Perché ?

C’est vrai qu’à la crèche, je n’ai rencontré qu’une dizaine de mamans, tandis qu’à l’école primaire, j’ai rencontré une cinquantaine de personnes : parents, grands-parents et enfants.

À la crèche, les mamans étaient plutôt là pour parler de leurs usages personnels. On a notamment discuté de la publication des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. En effet, certaines ne comprenaient pas en quoi cela était problématique. L’idée était alors d’expliquer la notion de choix de l’enfant et de la persistance des contenus sur les réseaux sociaux, même après suppression. On a également abordé le sujet des jeux éducatifs sur tablette.

Qu’est ce qui a fait émerger ce projet ?

Alors, moi, je n’étais pas présente à l’émergence du projet, mais cela a été un travail de plusieurs mois en lien avec notamment la développeuse territoriale de Belle-Beille, la référente famille du centre Jacques Tati, l’infirmière de la ville d’Angers, la coordinatrice du programme de « Réussite éducative », la directrice de l’école Aldo Ferraro et la responsable de la crèche multi-accueil « Le chat perché ».

Se sont ajoutées à ce projet, quatre orthophonistes de Belle-Beille.

 L’objectif était de ne pas seulement parler du numérique, mais aussi d’échanger autour du développement du langage et des liens avec la pratique excessive des écrans.

En résumé, ces deux semaines ont été consacrées à la sensibilisation « sans » et « avec » écran et, si « avec écran », comment? Et également des pistes d’actions pour venir interroger ses pratiques et celles de ses enfants, en développer de nouvelles ou les modifier avec le soutien d’une équipe pluridisciplinaire.

Quelle était la cible de cet événement ?

Les parents, les jeunes parents, mais pas uniquement ; les grands-parents également, mais aussi les enfants du niveau primaire et, plus largement, les habitants du quartier de Belle-Beille : les enfants ont plein de choses à raconter. Ils aiment bien parler de leurs pratiques, de ce qu’ils font, de quels youtubeurs ils aiment suivre, à quel jeu vidéo ils jouent, des réseaux sociaux. Ils me l’ont dit d’ailleurs, ils n’en parlent pas beaucoup avec leurs parents. Il m’est arrivé d’intervenir sur un autre quartier, sur cette même thématique, et là il est vrai que les parents que j’ai pu rencontrer étaient totalement impliqués dans les pratiques des enfants, avec notamment la pratique du jeu vidéo ; eux, en revanche, n’avaient pas le même langage, ni les mêmes craintes des réseaux sociaux.

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